Pascal Houmard - auteur

M comme Merlin

M comme Merlin est un roman de Science-Fiction, certes, mais son aspect protéiforme ainsi que les thématiques développées devraient plaire également à celles et ceux qui ne s'avouent pas (encore) amateurs du genre. Publication prévue pour le printemps 2024.

Laissez-vous emporter par la lecture des lignes ci-dessous qui incluent sa présentation, très suspensive, puis son premier chapitre.

Présentation :

Enrica Lahanne avait raison : le crash en plein désert, l’explosion de l’avion qui les abritait, elle et six autres passagers miraculeusement indemnes, l’expédition de secours à laquelle elle a pris part et dont elle revient bredouille, tout cela n’est qu’une mascarade ! Une tartuferie sinistre visant à les éliminer, elle et les cinq autres soi-disant rescapés. Mais dans quel but ? Et quel rôle exerce le septième homme ? Ce Béryl aux airs de loubard qui, seul d’entre tous, semble survoler la situation, détenir des informations et qui se contente de toiser les autres du haut de ses ricanements ?

La comédie va cesser bientôt, les masques vont tomber. Pour Enrica. Mais aussi pour Béryl. Qui se retrouvera piégé dans sa cellule, dans sa trahison, alors qu’il s’attendait à être libéré par ceux qui tirent les ficelles.

Ces « foutus logiciels sur ressorts », comme il les surnomme. Les maîtres du jeu. Des androïdes.


Extrait : Premier chapitre :



 

M comme Merlin


 


 

"Sans accident tu ne passeras pas la vie."

Proverbe russe
 



 

1

 

L’éveil



 

 

Elle s'est arrêtée de respirer. Renaître, encore ? Avec l’illusion de recommencer tout et mieux ? Non, ras-le-bol. Mais il y a cette étrange odeur de sable brûlé qui obstrue ses narines. Cette angoisse affreuse qui l'envahit peu à peu. Ce sentiment que la prochaine inspiration remplira à jamais de cet enfumage son cerveau et son corps tout entier, séchera ses muqueuses, aspirera son eau, sa lymphe, jusqu'à la dernière goutte de son sang. Elle tente une dernière aspiration, malgré tout, malgré elle, trop acculée par le désespoir pour jouer de méfiance. C'est ainsi qu'Enrica Lahanne est la première à reprendre connaissance. Comme les fois précédentes.

Ses yeux embués de sommeil se tournent d’abord vers le hublot, entièrement ensablé, alors qu’elle ne trouve pas le moindre grain sur elle, puis elle considère l’habitacle de l’avion.

L’avion ! Qu’est-ce qu’elle fiche dans un avion ! Sortie brutalement de sa torpeur par cette constatation, Enrica cherche à se lever, ce qui lui arrache un cri de douleur : la ceinture qui la plaque à son siège l’a blessée à l’endroit d’une ancienne cicatrice. Ses doigts agités mettent une éternité à la libérer de la sangle. Elle se redresse enfin, trop vite, les vertiges qui l’assaillent la forcent à se rasseoir. Son regard se porte alors vers l’autre côté de l’allée et elle aperçoit, assis sur un siège lui aussi, un autre passager, un autre rescapé, mais rescapé de quoi encore ? Il s’appelle Chris. Chris Hippeau. Comment peut-elle connaître le nom d’un parfait inconnu ? Il s’agite en tous sens, au creux d’un silence terrifiant, aussi

Enrica ressent-elle un certain soulagement quand elle l’entend gémir. Elle se relève et, bien que les vertiges se soient envolés, c’est d’une démarche hésitante qu’elle quitte sa rangée pour gagner celle de ce compagnon de vol. Il lui tend un regard affolé, pousse un hurlement terrible.

- Libérez-moi ! supplie-t-il dans un dernier cri, croyant être totalement recouvert de sable, devenir sable lui-même.

Encore trop affaiblie, Enrica ne serait jamais parvenue à le dégager sans l'aide opportune de Tony Stecks, un autre inconnu qu’elle parvient à nommer ! Sa tête enfin exhumée du tas de sable, Chris commence par vomir tout un désert virtuel qui s'était emparé de lui, avant de déverser une cascade d'insultes, et de reprendre pied avec la réalité.

- Excusez-moi ! fait-il, regrettant autant ses jurons que la scène de panique qu’il vient de leur servir.

- Putain de bordel de merde ! lâche pour sa part Béryl, du fond de la carlingue, après avoir ouvert les yeux.

- Vous m’aviez pourtant assuré que nous n’aurions plus à déplorer de tels excès de langage de la part de cette unité carbone !

- Permettez-moi de rectifier, Monsieur le Ministre. C’est de tous nos efforts pour éviter ce genre de rémanences que je vous avais assuré ! Voilà une des raisons pour lesquelles j’ai plus d’une fois émis des doutes sur le choix de ce sujet : bien trop instable, en dépit voire à cause des nombreuses modifications opérées par...

- Comme si nous avions le choix ! releva le responsable de la Fédération.

- Par ailleurs, reprit le scientifique, vous n’êtes pas sans savoir que nous ne contrôlons qu’une série de paramètres. Ce serait illogique, du reste, d’exercer une maîtrise complète de l’activité cérébrale, puisque le succès même du programme dépend de notre neutralité dans la qualité des interactions de...

- Jugez-vous à ce point nécessaire de m’apprendre ce qui est logique et ce qui ne l’est pas ? l’interrompit l’autre, sans pour autant marquer de colère ni d’impatience, ne cherchant qu’à signifier à 671007 le terme de cette discussion stérile.

Après avoir posé un œil absent sur Chris Hippeau, ses sauveteurs en viennent à s'observer : d’allure élancée, elle dégage une féminité indéniable, que ne parvient pas à gommer son brassard de police, ce pourrait bien même être le contraire, alors que lui n’aurait sans doute nul besoin de revêtir cette combi de l'armée de l'air, agrémentée d’une écharpe jaune, pour attirer les regards, un bellâtre de plus à croiser sa route.

Dans un soupir, Enrica détache ses yeux de lui pour observer le compartiment passagers : les quatre rangées de deux places qui flanquent le couloir n’abritent donc que sept personnes, elle comprise. Encore sanglés sur leurs sièges, quatre rescapés sont en train de reprendre connaissance. Une femme se détache et se redresse, provoquant la chute d’une averse de grains de sable accrochés à son complet élégant et à ses longs cheveux blancs défaits : elle était assise près du seul hublot qui s’est brisé au moment du crash. S’il y a bien eu crash. Enrica ne tire aucun souvenir d’un accident ni même d’un récent vol en avion. Pourtant, en regardant Marydo McDallah finir de s’épousseter, elle remarque qu’elle a connaissance de son nom à elle aussi : bon sang ! Pourquoi les noms seuls lui reviennent-ils à l’esprit ?

- De l'eau ? Il y a de l'eau quelque part ? demande-t-elle, la voix rauque, se surprenant à songer plus à elle-même qu'au pauvre type qu'on vient de secourir.

Elle a vu juste en s'adressant à l'aviateur : il revient de la cabine de pilotage avec une bouteille d’eau, tiède, certes, mais de l'eau tout de même. Il la lui tend avec ce qu’elle reconnaît pour un sourire séducteur, comme si elle avait quelque chose à en faire, de la drague, dans le moment présent ; la bouteille aussi, elle la refuse : pour se racheter de sa pensée égoïste, elle la remet à Chris, qui en vide le contenu en un rien de temps et sans aucun scrupule.

- Je vais vous en chercher une autre, s'engage Stecks, en gratifiant Enrica d'un clin d’œil.

Elle répond par un simple merci, prononcé comme on lirait le dernier mot d'un long roman : de fait, se dit-elle, cela pourrait bien être l’ultime marque de reconnaissance que cet homme recevra de l'équipage.

Car, selon toute évidence, il s'agit du pilote de l'avion qui vient de se crasher. - Tout va bien ? lance-t-elle à l’attention des autres passagers ?
Mais personne ne lui répond. Ils doivent être encore sonnés.

De retour du cockpit, l’air Lovelace de Stecks a fait place à une mine déconfite : il n'a plus ni sourire ni clin d’œil à distribuer, rien qu’une nouvelle bouteille bien tiède. Mais sa mélancolie soudaine tient moins à la température de l’eau qu’aux révélations qu’il s’apprête à faire.

- Tout ce qu'il reste de frais, annonce-t-il à la policière en lui remettant le récipient, ce sont encore les nouvelles et elles ne sont pas bonnes !

- Les instruments de communication, c'est ça ? devine-t-elle.

- Tout est mort ! Le tableau de bord a totalement cramé. Pas mieux, mon téléphone portable a disparu.

- Le mien aussi ! s'exclament Lahanne et Hippeau, à l'unisson.

Les autres passagers ont profité de cet échange pour détacher leur ceinture, quitter leur siège et rejoindre, au milieu du compartiment, leurs compagnons d'infortune.

Infortune. Le mot adéquat pour qualifier la situation de ces rescapés, si tant est que se retrouver en plein désert, sans vivres ni moyens de communication, implique une mort lente ou, pour coller au contexte, une mort à petit feu... En revanche, si l'on envisage que tout l'équipage a survécu, sans avoir à déplorer aucune victime, ce bilan propre à contredire toutes les statistiques des crashes aériens interdit de parler de malchance.

Quittant leur position inconfortable entre deux rangées de sièges, les rescapés ont donc progressivement réduit l’espace qui les sépare, sans cesser de se regarder de loin, en chiens de faïence : on se rapproche pour mieux prendre ses distances. Jusqu'ici, ça avait l’œil rivé sur sa petite personne, à se demander si c'était entier, blessé, choqué ; ça en restait à étancher son besoin d'air et d'eau, à se rassurer sur sa sécurité ; ça grimpait tout doucement les étages de sa pyramide des besoins. Ça en est maintenant à lever les yeux sur l’à-côté, le périphérique, l’extérieur, en un mot l’autre. Ça commence à dresser son propre état de la situation. Ça jauge. Avec des regards emplis de défiance, face à des circonstances qui dépassent l'esprit, qui dépècent l'âme.

Devançant tout le monde, un petit homme noiraud chaussant des lunettes et une allure d’éternel adolescent laisse éclater sa stupeur, alors que son nom revient à Enrica dans un éclair :

- Je ne vous connais pas, s’écrie Arthur Imboldt, révélant le malaise général. Je n'ai jamais vu cet avion, je n'ai aucun souvenir d'un crash, je ne sais pas ce que je fais ici !

Confession sans ménagement. Reprise en chœur désaccordé par les autres, qui avouent la même amnésie : nul ne se rappelle quoi que ce soit d'un récent déplacement dans les airs. Seule Marydo McDallah se souvient avoir prié lors d'un atterrissage, mais elle doute qu'il s'agisse du présent vol :

- Vous savez, je suis pasteure, prévient-elle, comme on avertit qu'on est contagieux. Je prie toujours tellement dans ces cas-là !

Elle force des doigts tremblants à tresser ses longs cheveux blancs.

- C'est bien joli, tout ça, mais ça ne nous avance pas des masses. Moi, je m’appelle Chris Hippeau.

- Tony Stecks, répond presque mécaniquement l’homme à l’uniforme d’aviateur.

- C’est vous qui étiez aux manettes ? lui demande justement Marie-Paule Lithic, en identifiant, sur la chemise anthracite, la barrette rose qu'arborent les pilotes d'Air France.

- C'est vrai, je conduis des avions privés, comme celui-ci, mais je... Il hésite quelques secondes, en profite pour donner un tour supplémentaire à son écharpe jaune en laine d'agneau. J'étais en plein congé avant de me réveiller là, reprend-il. Je me baladais en montagne avec ma femme et mes deux fils.

Sa réponse provoque un retentissement formidable dans l'esprit des autres rescapés, à qui revient, d'un coup, comme libérée par cette révélation, la réminiscence de leur dernière journée : Marie-Paule Lithic s'était endormie pendant une énième séance du Sénat ; Enrica Lahanne, aux côtés de son équipier, auditionnait trois jeunes et une adulte pour une histoire de vol à la tire ; Arthur Imboldt, qui avait passé la matinée dans son épicerie et l'après-midi en séance de dédicaces, venait d'écrire une fois de trop quelques mots d'une intimité folle à l'attention d'une personne dont il ne savait rien ; Chris Hippeau était allé pointer au chômage et se mettait justement en quête d'un rien à bouffer ; Marydo McDallah préparait son sermon sur le thème de la guérison, avant de rendre visite à ses malades.

C’est alors seulement qu’on prend garde à l’homme qui, se contentant d’avoir ôté la ceinture, est resté assis sur son siège de passager. Sa position tout comme la pénombre de l’habitacle ne permettent de distinguer que son visage, un menton large mais aux lèvres fines, rieuses, un nez camus de boxeur, des yeux allongés au regard vif et un large front entaillé d’une balafre.

Quand Chris Hippeau lui demande s’il se souvient de quoi que ce soit, Béryl commence par cracher sur le plancher de l’allée centrale, puis il lève vers eux un regard de mépris :

- Continuez à vous gargariser de vos petits oublis et souvenirs recomposés ! Faites avec ce qui reste dans vos misérables cerveaux ! Mais passez à la vitesse supérieure, qu’on en finisse !

Qu’est-ce qu’il lui prend, à ce butor ? Et qu’est-ce qu’il est en train de raconter ? Est- il encore sous l'effet du crash ? ou du crack ? On ne pousse pas plus loin ses réflexions, focalisés qu’on reste sur un autre choc, celui qu'a causé la découverte de cette amnésie collective.

À la stupéfaction s'ajoute l'inquiétude, quand Hippeau révèle qu’on lui a volé son téléphone portable ; chacun met la main en direction de sa ceinture, comme dans un duel de western, mais les mains ne rencontrent que le vide. On s'agite en tous sens dans la cabine, on se bouscule en pensant avoir repéré un téléphone portable sous un siège, un ordinateur dans le filet d'un dossier, ce sont des gamins cherchant leur goûter à la sonnerie de la récré, mais des gamins frénétiques, à s’en heurter sans donner d’excuses, à s’en cogner la tête : plus trace de son mobile, de son ordinateur, de quelque effet personnel que ce soit, d'ailleurs. On s'en revient bredouille auprès de l'aviateur.

- Possible de communiquer avec les moyens du bord ? s'enquiert Chris Hippeau.

Stecks doit répéter que les outils de transmission ne fonctionnent pas non plus.

- En résumé, conclut Marydo McDallah, on est privé de toute communication avec l'extérieur.

- Et la prière, vous oubliez, ma sœur ? l'apostrophe Béryl en ricanant. - Je ne suis pas catholique ! s'offusque la pasteure.
- Moi non plus !

- J’ai cru comprendre que vous vouliez que les choses s’accélèrent, lui rappelle la policière. Alors, aidez-nous, plutôt que de rester là, tapi dans votre coin, à vous moquer de nous !

- C’est vous qui m'avez volé mon portable ? s’enhardit la politicienne.

C'est parce qu'il s'en est pris à une ministre du culte ou bien du fait qu'il a la provocation facile ou encore à cause de cette vilaine cicatrice au front qu’elle toise ce quadra mal fringué et qu’elle l’assimilerait volontiers à un voleur.

- Je m’appelle Marie-Paule Lithic, croit-elle nécessaire de se présenter. J’ai été maire en Île-de-France et j’assume actuellement d’importantes fonctions politiques. Vous ne vous rendez pas compte de la liste de personnages influents qui peuplent mon répertoire ! ajoute- t-elle à l’attention de tous, passant de l'inquiétude à l'angoisse. Pour tout le monde ici, il vaudrait mieux que mon portable ne soit pas tombé entre des mains mal intentionnées !

Nouveau rire moqueur de Béryl, une réaction propre à conforter la femme politique dans son jugement.

- C'est un canular, ou quoi ? s'impatiente Imboldt à son tour. Où sont passés nos téléphones ? Et toutes nos affaires ? D'ailleurs, je serais bien incapable de lister ce que j'avais emporté : je ne me souviens de rien. On m’a drogué, ou bien ? Si c'est une plaisanterie, elle a assez duré !

Mais aucun mauvais farceur ne vient se dénoncer.

- Il faut à tout prix sortir d'ici, gémit Marydo McDallah. Regardez, l'avion est à moitié enfoncé dans le sable.

Elle désigne sur sa gauche la série de hublots aveugles. Stecks l'apaise en lui promettant qu'on n'est pas en train de s'enfoncer et que, de toute façon, on va bientôt quitter l'appareil.

- Je pense moi aussi qu’on a été drogués, ajoute-t-il sans transition.

- Permettez-moi d'en douter, le contredit Enrica Lahanne. Si tel était le cas, on ressentirait des effets secondaires. Or aucun de vous ne se sent nauséeux, assoupi ou spécialement nerveux, n'est-ce pas ?

Malgré leurs yeux fébriles et l'agitation qui secoue leurs membres, les rescapés lui donnent raison.

- Et vous ? profite de lui demander Chris Hippeau. Vous êtes flique ?

- Inspectrice Enrica Lahanne, de la PJ de Montpellier, s’annonce-t-elle, presque automatiquement, avant de s’étrangler : serait-elle donc la seule à savoir comment ils s’appellent, ces six-là ? Un sentiment de solitude l’assaille. L’espace d’un instant, elle hésite à partager ce nouvel élément de mystère, mais la méfiance est la plus forte et c’est pour dissimuler son trouble qu’elle ajoute, en visant l'étendue désertique par un hublot encore non ensablé : Quoi qu’il en soit, nous voilà totalement coupés du monde extérieur !

- Mais qui pourrait bien avoir intérêt à... ?

Chris Hippeau n'a pas le loisir d'en dire davantage : une déflagration secoue la carlingue. Poussés par un instinct grégaire, les survivants se plaquent contre le sol. Le cockpit crache une langue de feu, elle se propage en direction du couloir. Le sauve-qui-peut de Stecks décide tout le monde à se ruer vers l’issue de secours arrière qui est débloquée, la panne de courant ayant sans doute désactivé les verrous.

- Qu’est-ce qui a pu provoquer cet incendie ? demande Enrica.

- On verra ça plus tard ! Allez, on sort de l'appareil sans paniquer ! clame l'aviateur, alors que la policière presse les autres vers la porte. L'avion ne va pas exploser, ajoute-t-il à son attention, puisqu'il n'y a plus de kérosène.

- Vous voulez dire que l'atterrissage d'urgence a pour cause une panne d'essence ? l'interroge Enrica.

- Plutôt une panne de quintessence, répond Béryl à la place de Stecks.

Tout en lui indiquant la sortie, la policière dévisage cet olibrius ; elle se surprend à entendre se répercuter en écho ce mot de « quintessence », issu d'un registre qui s'accommode mal de ses airs de mauvais garçon aux jeans dépenaillés. L’espace d’un instant, elle se demande si elle doit se fier à cette apparence minable de biker qu’on a privé de sa bécane, à cette attitude toute de désinvolte provocation, à ce regard moqueur souligné par le décalage du sourcil gauche, qui a perdu son arc normal, brisé par une cicatrice trop ancienne pour devoir quelque chose à ce récent crash, à cet homme, enfin, qui, en dépit des apparences, ne manque pas de séduction. Et qu’elle a l’impression de connaître mieux que les cinq autres. Sans doute lui rappelle-t-il quelque loubard sur lequel elle a enquêté jadis. Jadis... Jadis ?

- Vous, je ne vous ai rien demandé, se contente-t-elle de lui rétorquer, en le poussant vers l’issue de secours.

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